Ca faisait longtemps qu'on en parlait et ça y est!!! On a enfin fait des arts plastiques avec des enfants d'ici, dans une vraie école et c'était super!

Nous avions envie de nous y mettre mais franchement, les idées n'affluaient pas... On voulait travailler sur l'artisanat local et dans les régions traversées, il ne m'inspirait pas vraiment. Il y a un artisanat autour des outils pour les asados (barbecues de chez nous): planches en bois; étuis en cuir; couverts en argent... Il y a également un très beau travail réalisé pour le maté (ou thé local): la boule de maté (calebasse évidée) souvent en cuir mais aussi en bois, métal ou en os ou même présentée sur un pied de boeuf (si si ça existe et c'est de très bon goût...); la bombilla (paille pour boire le maté) en métal parfois très joliment travaillée. Mais allez trouver des idées d'ateliers avec des enfants à partir de cela! J'avais bien pensé travailler sur la boule pour évoquer la calebasse mais bof bof... On a fait des essais avec les filles et c'était pas jojo.

En arrivant sur le parc Lanin, au nord de la Patagonie, et en observant la carte de près, j'ai pu constater qu'il y avait des communautés mapuches référencées.

Les Mapuches font partie des communautés indiennes existant avant l'arrivée des espagnols sur le continent. Ils ont été bien embêtés par les colons mais, contrairement à d'autres communautés qui ont été littéralement exterminées, eux ont réussi à résister et forment encore aujourd'hui une communauté hétéroclite de plusieurs milliers de personnes. Hétéroclite car ils ne sont pas unis. Sur la partie du parc dans laquelle se trouve l'école, il y a deux communautés et elles ne s'entendent pas. La directrice m'a confié qu'elle n'arrivait jamais à avoir l'intégralité des parents car quand une communauté vient à une réunion, l'autre ne vient pas... La majorité des Mapuches vivent au Chili. Encore aujourd'hui, des mouvements de résistances existent et luttent pour la reconnaissance de leurs particularités: la langue notamment. Une de leur exigence est qu'elle soit enseignée dans toutes les écoles ou des Mapuches sont scolarisés.

J'ai tout de suite pensé à leur artisanat. Nous voulions un lieu avec une école bien sûr mais aussi où l'on puisse rester une dizaine de jours de façon agréable. Un parc avec un lac était plutôt une bonne idée et nous sommes arrivés de cette façon à l'entrée du lac Huechulafquen du parc Lanin.

Nous nous sommes présentés à l'école interculturelle Paimun dès notre arrivée. Le premier jour, nous sommes arrivés trop tard, l'école était fermée. Le second était un jour férié. Néanmoins, nous avons été encouragés par les gardes parcs. L'idée leur semblait intéressante et ils nous ont motivé pour attendre le retour des enseignants. Le troisième, l'enseignante présente semblait intéressée mais la directrice n'était pas là et nous avons donc dû attendre son retour le lendemain pour lui demander son accord. De nouveau, nous avons présenté le projet en lui montrant l'exposition sur l'artisanat marocain et en lui expliquant notre volonté de travailler sur l'artisanat mapuche avec notre propre matériel d'art plastique. Elle a été emballée et ce fut une rencontre très joyeuse. Rendez-vous ont été pris pour 3 ateliers la semaine d'après car, fin d'année oblige, ils ont plein de projets à boucler.

Du coup, on avait 3 jours devant nous. On a découvert d'autres lacs tout en profitant du soleil éclatant pour préparer le matériel et faire des « tests » sur les filles. Elles adorent faire les cow baye!

Au cours de la première séance, nous avons présenté l'exposition sur l'artisanat marocain. Grâce aux cadeaux d'Omar Touali, ils ont pu observer de vraies pièces de zelliges sur lesquelles adultes comme enfants ont été bluffés. Pour eux le zellige, c'était du carrelage et la technique leur était complètement inconnue. Nous avons discuté des liens entre cet artisanat et le leur car, comme pour le Maroc, ils font aussi des objets en poterie bien que ce soit une technique qui se perde. Ici, le tissage est une composante majeure mais, contrairement au Maroc où l'on trouve essentiellement des tapis, ici ils ne les font pas: ils tissent pour avoir des couvertures, des ceintures pour les chevaux; des vêtements ou des éléments décoratifs muraux. Les affiches sur les portes marocaines et le Chellah ont moins ouvert de discussions car elles sont vraiment représentatives d'un monde entièrement inconnu pour eux. Il est donc difficile d'avoir une prise pour discuter. J'en ai profité pour leur dire que mes anciens élèves ne valorisaient pas forcément leur bel artisanat et qu'ils préféraient souvent acheter des objets occidentales... Cela a beaucoup plu à la professeur de mapuche... Pour finir, le voyage a encore une fois suscité beaucoup de questions: comment vivez vous? Où allez-vous? Combien de temps en bateau?

Au cours de la deuxième séance, nous avons travaillé à partir de pièces tissées apportée par des membres de l'école. Les élèves en ont parlé et expliqué les fonctions de chacune d'elle... Pour chacun d'eux, un membre de la famille continue à tisser à la maison. Il faut savoir que ces enfants cachent leur identité mapuche quand ils vont en ville (j'ai dû mal à croire comment vu leur bouille d'indiens!). Ils n'en sont pas fiers et tentent, comme dans beaucoup de pays du monde, de se rapprocher autant qu'ils le peuvent de la culture européenne ou nord américaine. Je ne me gêne pas pour flatter ce travail qui est honnêtement magnifique et que beaucoup d'européens se flatteraient d'avoir chez eux. Ils sont munis de crayons de papier et observent chacune des pièces pour en dégager les motifs. Ils en choisissent et les reproduisent au brouillon. Ils ont beaucoup de mal à se lancer. Ils ont honte de faire mal et il faut être tout le temps derrière eux pour les motiver et les rassurer. Plus ils sont grands et plus c'est difficile d'ailleurs. Ils doivent finalement se décider sur un motif qu'ils s'entraînent à reproduire sans règle ni papier calque mais juste au crayon et ensuite à la craie grasse. A la fin de cette séance, ils peignent les fonds de leurs supports définitifs. Pour cela, nous avons collecté trois terres différentes au cours du voyage. Une provient de la province de Misiones: c'est une terre d'une qualité incomparable à la fois pour l'agriculture et pour les arts! D'ailleurs, on en sait quelque chose, elle a bien tâché nos vêtements! On mélange chacune de ces terres à de la gouache blanche et cela donne de très bons résultats. Les élèves choisissent l'intensité et font leur fond aux rouleaux ou aux pinceaux. Tout sèche très vite car il fait un temps magnifique et nous nous étalons dans la cour.

Pour la pause du midi, nous sommes cordialement invités à partager leur repas. Tous les enfants mangent à la cantine, cela permet de garantir leur présence! Il y a une cuisinière qui fait à manger chaque jour pour la vingtaine d'élèves de l'école et les adultes présents (2 enseignants; 2 chauffeurs de bus (un par communauté); un prof de sport; la prof de Mapuche quand elle est là; la cuisinière). Ca fait du monde quand même! En tout cas, c'était super de se retrouver parmi eux et de partager ce moment. Avant que les enfants ne rentrent chez eux, nous avons assisté au lever de drapeau ! Il faut savoir que la marseillaise est même apprise dans les écoles argentines et ils sont surpris de savoir que nous ne l'enseignons pas!

Pour la dernière séance; les élèves se sont entraînés une dernière fois à reproduire leur motif sur des feuilles Canson et à la peinture cette fois. Leur motif devait prendre toute la feuille et ce fut une vraie contrainte. Finalement, ils ont réussi à peindre ou dessiner à la craie grasse sur les fonds préalablement peints par eux. Ils devaient terminer en vernissant leurs feuilles mais ils n'ont pas eu le temps. Yan et moi nous en sommes chargés.

Nous avons encore une fois partagé leur repas avec beaucoup de plaisir et d'émotion. Nous avons reçu des dessins avec un mot de chacun des élèves pour nous remercier et nous avons été très touchés.

Les filles ont participé à tous les ateliers et ont également partagé plusieurs récréations mais contrairement à ce que l'on pouvait imaginer, les échanges entre enfants qui ne se connaissent pas et ne parlent pas la même langue ne sont pas si spontanés, du moins, avec les spécimens que nous avons avec nous... En tout cas, elles ont passé un très bon moment et ont adoré... la crème au dessert de la cantine!

Après le rangement intégral de tout le matériel et une discussion qui aurait pu se prolonger des heures avec la directrice, nous sommes partis vers d'autres horizons.

Toutes les photos

Décembre 2009 : Escuela Paimun

 
   


Volcan juste au dessus de l'école

 

La salle de classe
 

Artisanat mapuche
 

Au boulot !


Observation et reproduction des motifs

 


A la cantine
 

Etape finale
 

Photo de classe


Séchage des travaux
 
   
© 2009 - Dabo - Rodrigo